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Histoires de l'anse du Loch
21 janvier 2018

31 - Toponymie côtière du Cap-Sizun

Carte et toponymie côtière du Cap-Sizun

   Les noms des lieux, des terres et des côtes ne sont pas éternels : ils peuvent changer selon l’évolution de la langue du pays. Au Cap Sizun l'évolution de la langue du breton vers le français a changé bien des choses. Certaines dénominations de lieux ne sont plus compréhensibles ; d'autres ne le sont qu'à l'aide de dictionnaire écrit sur des textes du passé ; d'autres, enfin sont formés selon des règles aujourd'hui tombées en désuétude. La toponymie nautique est plus fluctuante que la toponymie terrestre ; elle subit des variations rapides dans le temps et dans l’espace.

- Dans le temps, il arrive que de nouveaux noms de lieux supplantent d'autre plus anciens : comme par exemple au Loch après le déménagement de la chapelle Saint-Yves en 1817, le Kougon Saint-Yves est maintenant appelé Kougon Anna.
- Dans l'espace, les variations sont infiniment plus grandes (la mer sculpte la roche continuellement). La côte est ouverte à tous (ce qui n'est pas le cas de la terre). Il arrive souvent de trouver, en toponymie côtière, autant de noms désignant un même lieu qu'il existe de groupes de gens de mer fréquentant le lieu en question. D'autre part nos anciens hydrographes on baptisé d'office une quantité de pointes et de roches qui étaient dénommées tout autrement par les gens du pays. Les cartes portent en général une forte majorité de noms locaux, plus ou moins bien reproduits ou traduits. La déformation phonétique et orale, retranscrite du breton en français n'a pas amélioré la chose.

   Pour la petite histoire, dans le passé, quand des marins bretons allaient pêcher hors de leurs zones habituelles , ils ne cherchaient généralement pas à se renseigner auprès des gens du pays ou sur les cartes. Ils « rebaptisaient » eux-mêmes les lieux qu'ils avaient besoin de nommer.

   Je vous propose maintenant de remonter le temps avant la Révolution française. Le service hydrographique de la marine réalise les premières cartes topographiques détaillées des côtes de la Bretagne. Les relevés ont été effectués dans le Cap Sizun en 1776, le minutieux travail a été réalisé par le lieutenant CHAUDARD, géographe des armées.

Ch31 - Carte de 1776 du Cap-Sizun
    Il y a 10 zones à découvrir ci-dessous (il y a possibilité de zoomer via un clic de la souris et de se déplacer dans chaque carte avec les flèches de votre clavier ).

Zone 01 - Ile de Sein Ouest
Zone 02 - Ile de Sein Est
Zone 03 - Raz de Sein
Zone 04 - Baie des Trépassés
Zone 05 - Goulien
Zone 06 - Primelin
Zone 07 - Beuzec
Zone 08 - Audierne
Zone 09 - Pointe du Millier
Zone 10 - Plouhinec - Plozevet

Lexique des termes géographiques côtiers répandus au Cap-Sizun

Aod et Trez : aod (côte), est employé concurremment avec trez (sable), voire même à sa place, pour désigner une plage. Dans le Cap, trez est utilisé fréquemment pour les côtes sablonneuses, tandis que le terme aod concerne davantage les côtes rocheuses.

Bae : désigne une identification beaucoup plus grande que porz

Baz, Bas : Ce terme celtique signifie peu profond. Basse désigne un haut-fond rocheux, couvrant à pleine mer, et découvrant ou non à basse mer, suivant les cas.

Beg (pluriel begoù) : désigne généralement une pointe, un cap, un promontoire, mais aussi un sommet d'une tête de roche, falaise ou de colline.

Biliog (féminin) : désigne une grève de galets.

Dour : eau, dans le sens source, ou de ruisseau d'eau douce.

Enez : qui signifie île, a pour diminutif inizig, îlot à Esquibien et Cléden-Cap-Sizun.

Ero, erv : sillon au sens de cordon de galets, de sable, ou parfois de pierre – An Erv Vili (le sillon de galets). L'Ero est le barrage qui donne naissance au Loc'h

Feunteun : désigne une fontaine

Goban à Sein, désigne un haut-fond ne découvrant pas ou découvrant très peu à basse mer.

Gorlé : est employé à la pointe du Raz pour désigner des îlots et des gros rochers qui ne couvrent pas.

Karreg (eur garreg) : roche ou rocher, désigne le plus généralement une grande roche isolée dans la mer.

Kastell (pluriel Kestell) : signifie châteaux, désigne, soit des rochers escarpés ruiniformes, soit des lieux fortifiés pré-romains.

Karn : désigne un tas de pierre (amas de roches), qui peut être naturel ou construit par l’homme

Korn : signifie coin, désigne, soit un angle brusque de la côte, soit un endroit où l'on contourne des roches en mer : Korn, ar Wrac'h (le coin de la vieille).

Kornog : est très utilisé à l’Ile de Sein. Cela désigne un haut-fond de forme pointue, découvrant ou non suivant les marées.

Kougon ou Cougon (eur c’hougon) : c'est un terme particulier du Cap Sizun, c'est une « espèce de grotte marine », l'inverse d'une pointe. Traduit ici par « gorge », faute de mieux. Comme porzs, un kougon désigne une entaille dans le trait de côte, mais la différence entre les deux n’est pas toujours évidente. En général, un kougon est une entaille profonde, étroite, au fond difficilement accessible même à marée basse, alors que le terme de porzs est plutôt réservé à des criques bien plus larges, comportant une grève accessible. Très souvent le kougon s’enfonce sous la roche ou la falaise.

Loc'h : qui dans les langues gaéliques, désigne un lac ou un bras de mer logé dans une vallée, est très répandu sur toute la côte sud de Bretagne où il désigne un étang littoral de barrage à l'embouchure d'un ruisseau vaseux peu profond.

Men : (pierre). S’applique très généralement à des roches de plus petite taille que le terme karreg. Contrairement à ce dernier il peut correspondre à de simples récifs.

Méné ou menez (eur méné) : Littéralement « montagne », mais aussi colline, falaise ou même lande sur le bord de mer où les sommets de falaises sont couverts de landes.

Penn ou Pen (pluriel pennoù) : signifie généralement une tête de roche, immergée ou non, ou extrémité de quelque chose

Poull : signifie mare, mais aussi un trou en mer où l'on fait bonne pêche. Comme ces « trous » de pêche sont souvent auprès de basses, il arrive à poull, par extension, de désigner également ces basses elles mêmes, qui sont cependant des saillies et non des trous.

Porz, Porzs ou Pors: désigne une crique, une petite baie, même non aménagée en port, qui sert d'abri aux canots.

Ravazenn : désigne une roche assez profonde à haute mer pouvant être visible par fort coefficient.

Plas, Plassen, Bladenn : désignent des roches plates généralement rattachées à la côte, couvrant ou non et constituant généralement un emplacement de pêche.

San ou Sann (eur zan), (ou aussi kouar) : traduit ici par « couloir », passage étroit entre un îlot rocheux et la falaise, ne séchant pas sauf exception. La plupart des roches isolées à proximité immédiate de la côte ont leur san.

Stivell : c'est une fontaine jaillissante

Tal (eun tal) : Littéralement « front ». Ce mot désigne l’extrême pointe d’un îlot ou d’un cap. Il n’est guère utilisé que dans l’expression war an tal désignant un coin de pêche et traduisible par « à l’extrémité » ou « vers le large ».

Toull : désigne un trou dans tous les sens du français, trou de pêche, grotte, gouffre y compris celui de chenal.

Trez : est en général utilisé pour désigner les côtes sablonneuses.
 

La toponymie côtière du Cap-Sizun aujourd'hui

   Les côtes sont de moins en moins fréquentées par les riverains. Ainsi se perd d’année en année les noms des pointes, des criques, des trous de pêche, des rochers et des sentiers. Il est maintenant trop tard pour faire un collectage de fond. Il y a 15 ans cela aurait été encore possible, mais depuis la disparition des derniers anciens « à savoir » cela sera maintenant beaucoup plus difficile, voir impossible d’identifier les noms précis de certains coins.

   Je ne suis pas le premier à essayer de sauver notre patrimoine toponymique côtier du Cap Sizun. Il existe dans le Cap, des personnes qui on déjà fait ce travail sans le partager sur internet pour le moment (à part sur Goulien, Jean-Yves MONNAT qui a réalisé un collectage remarquable qu'il a jugé bon de mettre en ligne) : visible ici

 

   Les prochains chapitres reprendront l'intégralité des noms des côtes de certaines communes, mais cela pourrait être assez long à faire, tout dépendra des rencontres que je pourrais être amené à faire : c'est un travail d'équipe.

 

- La toponymie côtière de Primelin : ici
- La toponymie côtière d'Esquibien : ici
- La toponymie côtière de Plogoff : ici
- La toponymie côtière de Cleden : en préparation
- La toponymie côtière de d'Audierne et Plouhinec : en projet
- La toponymie côtière de Goulien : en projet
- La toponymie côtière de Beuzec : en projet

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   Un peu plus loin de la côte, existe aussi des noms d’endroits sans repères apparents. Ce sont les lieux de pêche… les fameux « Poull » pour la pêche au filets, aux casiers, ou à la ligne. Les anciens gardaient secrètement tous ces lieux proches de certaines roches ou d'épaves oubliées (c'est un peu comme les coins aux champignons, cela doit rester secret).

   Le « Poull pêche » était souvent découverts par hasard et baptisés par le pêcheur qui y faisait une pêche miraculeuse. Le repérage du lieu se réalisait par « triangulation ». c'est l'alignement de points de côte remarquables suivant plusieurs directions (proches de 90°) qui permettaient de retrouver le lieu.

   J'ai retrouvé dans des carnets de mon père, jaunis par le temps et l'usage, des notes sur ses lieux de pêche du sud du Cap Sizun. Tous les lieux y sont notés avec précision. Je vous laisse découvrir un exemple de note pour retrouver le Poull à tacots Treac'h (aussi appelé Poull Lano)

Ch31 - Repérage du poull tacots Treac'hRepérage du Poull tacot Treac'h

Dans les carnets j'ai pu trouver des noms de lieux de pêche avec leur « coordonnées visuelles » comme :
- Poull tacots d 'Albert
- Poull Kerlavenan
- Poull tour Esquibien
- Poull Alain KERNINON
- Poull tacots Mathieux CHAPALAIN
- Poull to Chile (ou Ankel Chile)
- Poull Yvonnie
- Poull ton Lan
- Poull Lennou
- Poull ar Vogar Cam
- Poull Dauracles
- …...

   Le dernier carnet est beaucoup plus mystérieux ! Il n'y a plus de dessin après les noms du « Poull pêche » mais une suite de deux numéros : ce sont des coordonnés GPS. Mon père fit l’acquisition en 1994 d'un GPS marine portatif. Il fut le premier du port du Loc'h à en faire usage.

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   Pour terminer ce chapitre, je vais vous partager un travail de collectage toponymique terrestre réalisé au début des années 2000 dans le Cap-Sizun : Ofis ar Brezhoneg (l'Office de la Langue Bretonne) réalisera ce travail par commune dans tout le département. Le service Patrimoine Linguistique de l'Office de la Langue Bretonne a travaillé à la conservation et à la mise en valeur, par sa normalisation, du patrimoine toponymique breton, trop souvent déformé par francisation ou ignorance des règles élémentaires de l'orthographe du breton.

    Les documents PDF des dix communes du Cap-Sizun : Cleden – Plogoff – Goulien – Primelin – Esquibien – Audierne – Beuzec – Pont-Croix – Confort-Meilar – Plouhinec – Mahalon, sont visibles par les liens ci-dessous. Je n'ai pas trouvé le travail concernant l’île de Sein pour le moment.

Ch31 - Communes du Cap-Sizun


Noms des lieux de Cleden
Noms des lieux de Plogoff
Noms des lieux de Goulien
Noms des lieux de Primelin
Noms des lieux d'Esquibien
Noms des lieux d'Audierne

Noms des lieux de Beuzec Cap-Sizun
Noms des lieux de Pont Croix
Noms des lieux de Confort-Meilar
Noms des lieux de Plouhinec
Noms des lieux de Mahalon

 
Merci à Noël PEUZIAT pour sont aide orthographique bretonnante pour la mise en forme de ce chapitre.
 

 

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Commentaires
R
Erratum : le mot breton est "Gougon" avec un G et non Cougon
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R
Bonjour,<br /> <br /> J'ai assisté hier à votre conférence à la maison du Site de la Pointe du Raz. Intrigué par le mot Kougon, j'ai recherché et trouver dans le dictionnaire que, en breton COUGON signifie "grotte marine" ; du genre féminin, par mutation et précédé de l'article cela devient "ar c'hougon" !
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K
Bravo pour ce travail de recherche et de collecte de tous ces noms qui moi me font rêver, j'en connaissais quelques uns par mon père et grands parents qui étaient des pêcheurs du bord de côte à Plogoff, ce devoir de mémoire que vous réalisez est un bel hommage à ce "peuple des rochers", c'est le terme que j'utilise pour parler des nos ancêtres qui écumaient ces criques et ces pointes pour se nourrir !
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P
Bonjour, tout d'abord félicitations pour votre blog, je mets à votre disposition un document visible à l'île de Sein : une enquête d'André Guilcher écrit en 1950 : " Toponymie de la côte bretonne entre Audierne et Camaret " .<br /> <br /> Au plaisir de vous lire<br /> <br /> Noëlline Piton
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